"(...) Nous
ne vivons pas dans un monde, mais entre deux mondes au moins. Le premier est
inondé de lumière, le second traversé de lueurs. Au centre de la lumière, nous
fait-on croire, s'agitent ceux que l'on appelle aujourd'hui, par cruelle et
hollywoodienne antiphrase, les quelques people, autrement dit les stars - les
étoiles, on le sait, portent des noms de divinités - sur lesquelles nous
regorgeons d'informations le plus souvent inutiles. Poudre aux yeux qui fait
système avec la gloire efficace du « règne » : elle ne nous demande qu'une
seule chose, et c'est de l'acclamer unanimement. Mais aux marges, c'est- à-dire
à travers un territoire infiniment plus étendu, cheminent d'innombrables
peuples sur lesquels nous en savons trop peu, donc pour lesquels une
contre-information apparaît toujours plus nécessaire. Peuples-lucioles quand
ils se retirent dans la nuit, cherchent comme ils peuvent leur liberté de
mouvement, fuient les projecteurs du « règne », font l'impossible pour affirmer
leurs désirs, émettre leurs propres lueurs et les adresser à d'autres. "
GEORGES
DIDI-HUBERMAN
in "La Survivance des
lucioles"
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